voilà qui est très désagréable à l’œil. les codes ne sont pas faits pour satisfaire l’œil. pas plus qu'ils ne sont faits pour être laids. les codes sont faits pour transmettre un message. les codes sont faits pour transporter quelque chose qu'il aurait été plus coûteux de faire passer par d'autres moyens et sous d'autres formes. le message qu'un morceau de code transmet doit être pourvu de sens. le sens est le squelette d'une chose. les codes sont faits pour transmettre le squelette d'une chose. les codes sont faits pour ajouter à la masse des choses le squelette de chaque chose. les codes sont faits pour transporter la chose sous forme de squelette dans la pensée.  au squelette de chaque chose s'ajoute le squelette de chaque squelette, puis le squelette de chaque groupe de squelettes. le squelette d'une chose, le squelette d'une famille de chose, est ce qui reste d'une chose une fois qu'elle cesse d'être vivante. les codes sont faits pour remplir la pensée d'une masse de choses mortes. à chaque instant, des monceaux de code sont mis au monde. à chaque instant, des monceaux de bouches crachent des monceaux de code. à chaque instant, des monceaux de machines mettent des monceaux de code au monde. la mort des choses remplit le monde. la mort des choses se classe, s'archive, se rend disponible à tous, se transmet, s'actualise. en même temps qu'elle s'accumule parmi les choses, la mort des choses s'empile dans la pensée sous la forme des codes qui s'y déposent. en même temps qu'elle s'empile et sature le monde, la mort des choses bruit dans la pensée sous la forme des codes qui y circulent. la mort des choses se met alors à vivre dans la pensée. la pensée, c'est là où vit la mort des choses. la pensée, c'est l'égout où s'écoule la mort des choses, en vivant. la mort des choses se met à copuler dans la pensée, à s'y reproduire à très grande vitesse, avec de très nombreux partenaires. la mort des choses se met à fourmiller, à creuser des galeries dans la pensée, à former des familles où elle se divise, à former des familles où elle s'étrangle. la mort des choses fait fermenter la pensée jusqu'à l'intoxication. la mort des choses fait cailler la pensée jusqu'à boucher tous les conduits, tous les tubes, tous les trous par où elle passe. la mort des choses rend la pensée malade. sans la mort des choses qui s'accumule et vit dans la pensée, sans la mort des choses qui étrangle et étouffe la pensée, la pensée n'aurait jamais l'occasion de se débattre. la pensée se débat dans la mort des choses, la pensée se débat contre la mort des choses qui la fait cailler. la mort des choses est la seule chance pour la pensée de devenir vivante. quoique cela arrive rarement. quoique cela ne dure qu'encore plus rarement. l'odeur de la pensée qui se débat dans la mort des choses est le seul signe de vie de la pensée. là où les mots s'accumulent mais ne sentent rien, la pensée est morte. les machines et les bouches qui crachent des codes à longueur de temps, souvent ne sentent rien du tout. en elles, la mort des choses ne fait plus cailler la pensée. ne reste plus alors que la pensée en cadavre. ne reste plus que la pensée en cadavre bavard. la mort des choses continue de s'écouler de la pensée en cadavre. mais cette apparence de mouvement ne doit pas tromper, car plus rien dans la pensée en cadavre n'agite, plus rien dans la pensée en cadavre n'a d'odeur. rarement, la mort des choses rend la pensée malade. rarement, la pensée se débat dans la mort des choses. jamais, la pensée ne se sort de la mort des choses. seule la mort des choses peut faire vivre la pensée en l'étouffant, en forçant la pensée à respirer l'odeur de fermentation qui accompagne la mort des choses, en forçant la pensée à vivre dans la mort des choses qui la fait cailler, en forçant la pensée à être malade de la mort des choses qui y circule, en forçant la pensée à se défendre contre la mort des choses, en forçant la pensée à puer en réaction vivante à la mort des choses, en forçant la pensée à forer dans sa matière morte des trous par où exhaler, en forçant la pensée à trouer la mort des choses pour respirer un peu, pour continuer d'être malade, pour ne pas mourir de la mort des choses. l'un des principaux symptômes de cette maladie de la pensée s'appelle parler. l'un des principaux symptôme de cette maladie de la pensée s'appelle impossibilité de parler. l'un des principaux symptômes de cette maladie de la pensée s'appelle silence. l'un des principaux symptômes de cette maladie de la pensée s'appelle écrire.

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